SPELEO-CLUB JURA  Les Grands-Champs, 2863 Undervelier (CH)

Gouffre de Lajoux

Résumé : Le gouffre de Lajoux ou Creux à Koby (-167m/450m, état fin 1998) est le plus profond du canton du Jura. En 1999 le Spéléo-Club Jura (SCJ) engage des travaux. Après plusieurs séances de désobstruction le passage est ouvert. Récits des explorations et description.

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Topo du Gouffre de Lajoux

Situation géographique

Le gouffre de Lajoux se situe sur la partie Est du plateau des Franches-Montagnes entre le village de Lajoux et de Fornet-Dessus. L'entrée s'ouvre au fond d'une doline à l'altitude de 975 mètres.

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Description de l’axe principale

Une fois atteint le fond de la doline, un filet d’eau s’engouffre dans l’abîme par un goulet (agrandi en 2006), la suite se fera sans jamais quitter la corde. On pénètre rapidement dans de spacieux puits qui se poursuivent jusqu’à -102 m, palier important où viennent se fracasser les pierres jetées à l’entrée.

La descente se poursuit par des puits, notons qu’entre -105 m et -120 m deux lucarnes donnent accès à des réseaux secs se terminant à -158m. Un dernier P13 permet de prendre pied vers -165 m, c’est maintenant par le méandre (sec) que l’itinéraire se poursuit. Après 30m un R2 marque le début des nouvelles galeries (zone de désobstruction). Le ruisseau est retrouvé, on passe d’ailleurs à plat ventre dedans. 10 m plus loin le passage devient plus confortable, un ressaut de 7m doit être franchi pour poursuivre. Encore 30 m avant d’atteindre la voûte basse, le terminus de 1999. Le boyau du couvercle fait suite, on remonte pour atteindre un point haut marqué par une cheminée (E11) perçant le plafond.

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La descente reprend, après 30m un R3 donne accès à la grande cheminée (E20).

Le méandre continue de plus belle, à -191m un carrefour marque l’arrivée de l’affluent mi-gras par la droite. Pour la suite ça ne s’agrandi pas pour autant, ça devient pire !

Le passage devient accidenté on arrive au "Pitasocket", qui n’est aujourd’hui plus qu’un mauvais souvenir, puisque plusieurs tirs d’aménagement permettent de ne plus devoir galérer dans cette faille étroite et humide.

25m plus en aval la petite salle du 11.11, nous accueille pour un instant de répit.

Encore quelques dizaines de mètres avant que la voûte ne s’abaisse, le Transpotting fait suite.

Il conduit tout droit dans une petite chambre qui est souvent occupée par de l’eau. La suite est alors difficilement franchissable puisque l’étroiture qui suit sera noyée ou presque !

Après trois à quatre semaines sans pluie le passage est plus commode et donne la possibilité de joindre le terminus de 2001 par une longue faille verticale se resserrant petit à petit. On est ici vers -212m de profondeur, il faut miner!

Les explorations

Pour un historique plus complet du gouffre se référer à Gigon, 1986 (références en bas de page)

1911 : Première incursion dans le gouffre par E.Fleury à l’aide d’un treuil, probablement jusque vers -102m. En 1932, la cavité devient la deuxième plus profonde de Suisse (-159m) suite à une campagne de recherche d’eau menée par l’équipe Koby-Perronne. Cinq ans plus tard, en 1937, un groupe de Montbéliard dépasse le terminus en descendant un nouveau P.13 et découvre un méandre qui peut être suivi sur 25m jusqu’à un goulet marneux qui ne pourra être franchi (-167m). Du même coup le gouffre de Lajoux s’auréole du titre de plus profonde cavité de Suisse durant près de 10 ans.

Dans les années 1970, grâce aux techniques de spéléologie alpine le gouffre devient une des classiques de la région. Ph.Rouiller, avec l’aide d’amis locaux, effectuera de nouveaux relevés topographiques. Ces derniers découvriront deux séries de puits parallèles descendants jusqu’à -158m.

En 1998, " les jeunes " du Spéléo-club Jura entame une désobe au fond duméandre à -167m, les premiers mètres se font dans l’argile. Après une quinzaine de séances le passage s’ouvre et le courant d’air s’installe. Néanmoins nous devrons encore agrandir quelques mètres en pleine roche. C’est alors une centaine de mètres de galeries qui sont découverte avec un point bas a -197m au fond d’un P.10, borgne Le méandre quand à lui se termine devant une voûte basse occasionnellement siphonnant avec un bon courant d’air, Deux chantiers sont alors entrepris, le premier étant la perte du ruisseau dans un conduit étroit vers -170m. Nous installerons d’ailleurs une ligne électrique de 220V pour faciliter les travaux d’agrandissement. La zone sera abandonnée en 2006, les problèmes de stockage des déblais et la perte de motivation se faisant sentir…

La deuxième tentative étant évidemment la suite du méandre. La désobe est compliquée par l’eau, qui lors de chaque séance doit être vidée à l’aide de pompe à accu. Après 7m et près de deux ans de travaux, le méandre remonte, le siphon est passé ! Commence alors une belle exploration puisque 300m de conduits tapissés d’argile collante s’ouvrent à nous sans le moindre coup de pioche. Pourtant en 2001 une étroite voûte mouillante nous barre la route momentanément vers 210m de profondeur (zone du Transpotting). Quelques semaines plus tard, après une période d’étiage, le passage est sec. Quelques heures d’agrandissement nous permettent de poursuivre d’une vingtaine de mètres avant d’arriver devant une longue faille étroite à -212m, infranchissable…

Une fois les relevés topos effectués, nous ne pensions plus revenir au fond de cet infâme méandre. C’était sans compter la venue de sang spéléo tout neuf!

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Les infâmes parties du méandre sont alors aménagées pour plus de " confort " (l’accès à la faille terminale restant toutefois réservé à de bons spéléos). Le courant d’air aspirant en hiver ne nous permet d’effectuer des minages que lors de grands froids à quoi s’ajoute le problème de la voûte mouillante qui ne peut être franchie qu’après 3 à 4 semaines de période sans pluie. Actuellement les travaux se poursuivent, nous avons avancé d’environ 7m, c’est toujours aussi dur !

A noter encore l’exploration d’un affluent (mi-gras) depuis -191m à -180m, ce dernier se terminant devant un comblement partiel de la galerie (le courant d’air passe). Il est à signaler que cet amont se dirige en direction du nord-ouest et file dans la direction du gouffre du Puits Willy (94m / -71m) distant d’une centaine de mètres à plat.

Un autre type d’exploration pu aussi être réalisé dans ce gouffre. A mi-chemin du méandre le plafond est percé par une importante cheminée (E20), plusieurs séances d’escalade permirent de mettre à jour des cheminées remontantes jusque vers -107m. Leur exploration a été délicate puisque des étroitures alternent avec les cheminées " assez vastes " ce qui a rendu le débusquage de la suite plutôt hasardeux. Lors de la remontée, nous avons rencontré des chauves souris, probablement arrivée là par une autre entrée, malheureusement ces dernières n’étaient pas aussi larges que nous !

Le gouffre atteint désormais (2013), un développement de 1178m pour une dénivellation de -212m.

Géologie

Une mince couche d’argile de décalcification (lehm) recouvre les bancs subhorizontaux du synclinal Lajoux-Fornet et favorise la formation de pâturages humides (marais). Les eaux superficielles sont drainées par une série de dolines alignées sur une faille, probablement chevauchante, liée à la mise en place du Jura. Les puits du gouffre sont creusés dans les couches kimméridgiennes fortement inclinées. Vers -150 m, la cavité atteint le toit des marnes séquaniennes qui sont responsables de l’arrêt du creusement vertical, le gouffre se prousuit ensuite par de long méandre entrecoupés de quelques ressauts. La cote final de -212 m se termine sur un méandre sur faille très étroit.

Hydrogéologie

Le gouffre de Lajoux est la perte d’un ruisseau issu des marais voisins. Bien que d’un faible débit, il ne tarit jamais. Son exutoire, est la source de Blanche Fontaine située dans les gorges du Pichoux (Undervelier/JU). Cette dernière est une des plus importantes du Jura septentrional, son débit varie entre 0.5 à 15 m3/s. Un traçage à la fluorescéine (Monbaron,1975) a permis de prouver le lien hydrogéologique entre le gouffre et la source. La vitesse de transit a atteint 270 m/h pour une distance à vol d’oiseau de 5400 m et une dénivellation de 370m.

Objectifs futurs

Les recherches pour découvrir de nouveaux conduits plus en aval vont se poursuivre. La faille terminale de -212 m étant certainement la clef mais au prix de nombreux efforts.

Plus accessible le fond du P.10 borgne vers -197m va être revisité tout prochainement. La nouvelle topographie nous laisse supposer que le conduit actif ne doit pas se trouver bien loin de ce point bas.

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Remarques

Les puits sont en toute saison arroser, l’équipement hors crue ne permet malheureusement pas une progression à l’abri de l’eau. Attention aux pluies abondantes, le débit augmente rapidement.Les aiguilles de sapins collées sur les parois du méandre atteste de la violence de l'eau. Il semble même que le méandre puisse se mettre en charge lors d'événements exceptionnels.

Les chutes de pierres provoquées par les spéléologues sont fréquentes ; il est donc important d’être vigilant durant la progression, mais également éviter les grandes équipes.

Durant l’hiver, de la glace peut combler l’entrée de la cavité rendant sa visite impossible.

Conclusion et remerciements

Puisque tout commence en surface, nous tenons ici à saluer les propriétaires des places de parcs pour leur tolérance; nous ne pouvons ressortir moins sales, désolé…

Malgré les difficultés rencontrées tout au long de ces années les investigations ont toujours pu se poursuivre, que ce soit lors de la trop traditionnelle désobe ou dans l’ivresse de la découverte ; espérons que ça dure !!!

Texte : Actes du 12èmes congrès national de spéléologie, Vallée de Joux

Références:

GIGON, R., WENGER, R. (1986): Inventaire Spéléologique de la Suisse - Tome 2 - Canton du Jura. Commission de Spéléologie de la Société suisse des Sciences naturelles, 2300 La Chaux de Fonds.
MONBARON, M. (1975): Contribution à l'étude des cluses du Jura septentrional. Université de Neuchâtel, Institut de Géologie, Suisse, PhD thesis. 208 p.
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